Mireille TURELLO-VILBONNET
Acrostiche
L’ART POÉTIQUE
L’Art de tout embellir, expression sublime !
Avec l’ardente plume attachée à la rime,
Rameutant le divin, l’emphase et la splendeur,
Trouve, en chaque mortel, l’écho libérateur.
« Poésie, ô trésor ! Perle de la pensée »*
Offrant, par sa musique, une âme délassée,
Émet dans toute vie, un message d’ailleurs :
Tintements gracieux, baumes consolateurs !
Il est si captivant de devenir poète,
Que ce qui n’est, d’abord, qu’une simple amusette,
Utopique, sans doute…élargit l’horizon
Et le rythme vital retrouve sa raison.
*Alfred de Musset
Non fixe
LE POÈTE
Sa mémoire se grise à la mélancolie
Et le rythme des jours qui s’endort doucement
Réprime des sanglots le fou ruissellement,
Chante la nostalgie.
Le poème renaît pour endormir sa peur
Et dénoue, amical, l’écheveau de ses peines,
S’envole alors le deuil des heures, des semaines,
Ô si douce torpeur !
Il tresse, en amoureux, des bouquets d’isoètes,
Veut inhumer sa vie au détour d’un quatrain
Dissimulant au fond d’un merveilleux écrin
Ses blessures secrètes.
Dans ses vers tremble encor l’impétueux torrent
Qui roule sur la page et terrasse son âme,
Le souffle d’un soupir vient ranimer sa flamme,
Total et fulgurant !
Écrire est à ce point une douleur féconde
Quand la beauté côtoie une aria de mort !
La musique adoucit par un vocable accort
L’émotion profonde…
Le poète est berceau d’espaces ténébreux,
Son cœur reste en hiver et se perd dans la brume
De l’encre évaporée à l’ombre de sa plume
En ses rêves ombreux…
Sur le granit du temps, il marque son empreinte
Et retrouve l’ardeur de son dernier amour
Dont il pleure, à jamais, l’impossible retour
Dans une ultime étreinte.
Non fixe
MA FLEUR DE PAVOT
Ô toi ma dulcinée, infante de l’amour
Élégante corolle aux teintes sibyllines
Ton parfum fait pâlir les roses des collines
Et craindre du repos l’impossible retour !
Voluptueux élans, conscience amollie,
Arôme sans égal, miraculeux poison,
Ton reflet amarante enivre ma raison
Dans le silence fauve et la mélancolie.
Ma muse s’est pendue au coquelicot noir,
Je subis, nuit et jour, son ardeur rougissante,
Prisonnier, à jamais, du venin qui me hante,
Et cherche dans ses bras la langueur-nonchaloir.
L’ivresse alors me gagne, obscurcissant ma vie,
« Que de jours sans soleil, que de nuits sans pavot » !*
Le poète a connu l’esclavage dévot,
Souffrant de mille morts l’ardeur inassouvie
Extase imaginaire au capiteux séjour,
Mon cœur reste captif d’un sortilège étrange,
Es-tu donc l’avatar du Démon ou d’un ange ?
Ô toi ma dulcinée, infante de l’amour !
* Lamartine
Non fixe
Destinée de tout être vivant…
L’ARBRE MORT
Dans un lointain pays, au fond de la mémoire,
Un spectre végétal noir, désorienté
Sur lequel, violent, le destin s’est heurté
Fait planer son profil sur l’antique grimoire.
C’était un arbre fou se riant des saisons,
Se dressant, lumineux, sous les feux de l’automne,
Il n’a plus sa verdeur, maintenant il frissonne,
L’autan se rit de lui, là, sous les frondaisons.
N’ayant plus désormais qu’à prendre patience,
Il demeure prostré, perdu dans ses tourments.
L’oiseau de nuit, cruel, par ses hululements,
Tente de l’étourdir en rompant le silence.
Las ! Il ne gémit plus, il s’offre tout entier
Au soleil, à la pluie, au nid de la palombe.
Envahi de lichen, de corbeaux d’outre-tombe,
Il est un arbre mort, là-bas, sur le sentier.
Non fixe
L’ARBRE et le POÈTE
Métaphore absolue inspirant le poète,
L’arbre a troublé son âme au-delà de ses vers
Et, par son symbolisme englobant l’univers
Généré pour sa plume une ineffable quête.
Éperdu de douleur devant le bûcheron,
Ronsard, un jour, chanta sa forêt de Gâtine,
Afin d’en éloigner l’immonde guillotine
Pourchassa, de ce lieu, le sinistre larron.
Le saule romantique, avec ses douces larmes,
Fit vibrer de plaisir le si tendre Musset,
Quand son jupon mouvant devant lui frémissait
Il se sentait alors prisonnier de ses charmes.
Lamartine, à son tour, voulut prêter sa voix
Au cèdre incorruptible, image de noblesse,
À ce chêne divin, puissant, que rien ne blesse…
Aux pieds des goliaths naît l’impossible choix …
Je veux, avec louange, écrire ce poème
Pour chanter leur splendeur et leur sacralité,
Et, je ne peux que dire, admirant leur beauté :
« Je sens quelqu’un de grand qui m’écoute et qui m’aime »*
* « Les contemplations » (Victor Hugo)
Gérardine
NOVEMBRE
MUSE PRENDS-MOI LA MAIN POUR TRAVERSER LA NUIT.
Le pourpre du coteau que le ciel abandonne
Tente de retenir le moineau qui s’enfuit
Au bocage défunt, reste la belladone,
Bouquet opiacé dont l’odeur nous poursuit.
Carrefour invisible où le temps se cramponne,
Dans ce mois scorpion, souffle un vent scélérat.
La chaleur, infidèle, a déserté, friponne,
Le jardin s’étiole et perd son apparat.
En l’incarnat trompeur de cette saison morte,
Venant à mon secours, dans ce parcours ingrat,
Un poème amical souffle devant ma porte.
Sur la vague des mots, quand la gaieté me fuit,
Afin qu’un vers joyeux puisse me faire escorte,
MUSE PRENDS-MOI LA MAIN POUR TRAVERSER LA NUIT.
Terza rima
DÉCEMBRE
Oh ! si triste décembre ! En ta saison mortelle,
L’aube ne renaît pas, attend la fin du jour,
L’horizon s’engourdit, l’espoir se démantèle.
La bûche vermoulue auprès du creux labour,
En voulant travestir le firmament morose,
Redonne vie à l’âtre au chaleureux séjour.
Dans le brasier vivant, tout se métamorphose ;
Insensible, la flamme, aux portes de la nuit
Éloigne l’air glacé de la maison bien close.
Mais, comment ne pas voir, dans son humble réduit,
L’être seul, sans soutien, accablé de misère,
Sans trouver de remède au sort qui le poursuit ?
Paillettes « poudre aux yeux » éclaboussant la terre,
Le miracle natal a perdu sa raison,
L’étable est devenue une porte cochère…
Sans le moindre secours, des murs de sa prison,
Tristement, il contemple au miroir-stalactite
D’un monde dédaigneux, l’horrible trahison !
Son vieux chien est pour lui le seul amour licite.
Qu’est devenu l’enfant dont il est séparé ?
Noël sonne le glas de sa triste faillite
Et son cœur, en hiver, chante miséréré.
Sonnet
* 1er prix de l’Académie Octaède 2015
URANIE : MUSE de L’ASTRONOMIE*
Le poète, rêveur, pour chanter l’éphémère,
Cisèle la tristesse et la met en chanson
Avec la fleur, l’oiseau, recherche l’unisson
Et fait naitre, irréelle, une douce chimère.
L’astronomie éloigne un peu de Terre-Mère !
Ce fol aède, ô Muse, innocent limaçon
Qui perçoit le cosmos à travers un frisson,
Ignore la science en préférant Homère.
Afin de vous connaître, est-il bon de s’ouvrir,
Même si la magie alors peut se flétrir,
Et percer les secrets de l’éternelle voûte ?
L’immensité rejoint le ciel des troubadours
Dont les vers enflammés, magnifiant le doute
Enchantent, de leur luth, nos terrestres amours.
Non fixe
SCULPTURE et POÉSIE
Devant le lourd tronçon, la pièce de bois brute
Et le marbre glacé réfractaire à nos coups,
La pierre précieuse attendant qu’on la sculpte,
L’artisan s’inquiète au premier rendez-vous…,
Comment charmer vraiment l’imposante matière
Par ce profond amour qu’il transmet à ses mains ?
Quelle étrange aventure ! Il cherche la lumière,
Tant d’espoirs insensés ne sont jamais atteints !
La plume alors frémit, victime de l’angoisse
Dans son humble talent, face aux mots ancestraux
Gisant, un brin narquois, dans le papier qu’on froisse
Qui lui semblent vaincus, lassés par tant d’assauts.
Le miracle survient sous les doigts de l’artiste :
Le marbre se fissure oubliant sa froideur,
Ainsi qu’un diamant éternel, il résiste
Puis, poli maintes fois, exhibe sa splendeur.
Le vocable affadi près d’un autre se charme
Ne se souvenant plus de l’avoir rencontré.
Un second le jalouse et tout à coup s’alarme
De voir son compagnon soudain revigoré !
Rimes, marbres ou bois « Sculpte, lime et cisèle »*
Toujours dans la ferveur mais sans lyrisme creux
Pour atteindre l’Olympe et la beauté formelle,
Et, quel que soit ton art, tu seras valeureux.
« Sculpte, lime et cisèle
Que ton rêve flottant
Se scelle
Dans le bloc résistant »
(Théophile GAUTIER ,
Précurseur du Parnasse)